Le mercredi 2 août 2023, nous avons consommé toutes les ressources que notre planète peut générer en une année. A partir d’aujourd’hui, nous vivrons 5 mois dans le rouge en entamant le capital naturel nécessaire au maintien de la vie sur Terre. En France, le jour du dépassement est tombé cette année le 5 mai, pour les ressources consommées dans notre pays.

Si la date du Jour du Dépassement semble avoir reculé cette année de quelques jours, cela est dû à un changement de calcul, et la réduction est bien trop lente par rapport à l’urgence. Afin d’illustrer au mieux notre consommation déraisonnée des ressources naturelles, le WWF France a souhaité faire cette année un focus sur l’eau douce, rare et pourtant essentielle à notre survie.

 

Qu’est ce que le jour du dépassement ?

Calculée par le Global Footprint Network, la date du 2 août correspond à la date à laquelle l’humanité a consommé (empreinte écologique) l’ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année (biocapacité). Autrement dit : pour régénérer ce que l’humanité consomme aujourd’hui, il nous faudrait l’équivalent de “1,7 Terre” en termes de surface. A partir d’aujourd’hui, nous vivrons 5 mois dans le rouge en entamant le capital naturel nécessaire au maintien de la vie sur Terre. Cette année, la date du Jour du dépassement a reculé de 5 jours par rapport à l'année dernière : l’avancée réelle est de moins d'un jour. Les quatre jours restants sont dus à l'intégration d'ensembles de données améliorés dans la nouvelle édition des comptes.

En France, le jour du dépassement est tombé cette année le 5 mai. Un très mauvais signal : si toute l’humanité consommait comme les Français, nous aurions besoin de 2,9 planètes. En effet, malgré tous les engagements pris par les décideurs politiques, les hauts sommets organisés, nous n’avons pas réussi à faire reculer cette date, qui stagne en France depuis des années.

 

Focus sur l’eau douce

Le jour du dépassement doit nous alerter sur notre accaparement des ressources naturelles. L’eau douce en est un bon exemple. La planète bleue est composée à 97% d’eau salée et l’eau douce, essentielle pour notre survie, est une ressource rare, que nous devons dès à présent sauvegarder. Depuis quelques années, le réchauffement climatique a permis de montrer les failles autour de notre gestion de cette ressource, qui menace les futurs approvisionnements en eau et rend les écosystèmes beaucoup moins résilients.

Le problème principal réside dans la répartition inégale des usages. 70% de l’eau douce disponible dans le monde est utilisée pour l’agriculture. En France, c’est plus de la moitié de la ressource en eau disponible (57%) que nous utilisons pour irriguer seulement 7% des terres agricoles. Ce déséquilibre des usages peut avoir de graves conséquences - des villages privés d’eau potable, menace sur la sécurité alimentaire - qui nous amènent aujourd’hui à réfléchir à des solutions systémiques.

 

Les solutions existent, il est grand temps de les mettre en œuvre !

Pour garantir à tous un accès à l’eau, il est urgent de mettre en place une utilisation partagée et durable de la ressource. Ce qui passe par deux grands leviers :

- La transition de l’agriculture vers l’agroécologie : les pratiques agroécologiques (couverture des sols, agroforesterie…) permettent une meilleure résistance des surfaces aux épisodes de sécheresse, un meilleur stockage de l’eau dans les sols et une meilleure recharge des nappes d’eau souterraines. Exemple : Le WWF France soutient, en partenariat avec la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire, un projet d’agroforesterie, afin d’accompagner les agriculteurs dans, notamment, la plantation de haies. Cette technique a pour objectif de rendre plus résilients les sols, en les maintenant plus souvent à l’ombre et de permettre une meilleure rétention de l’eau.

- Les solutions fondées sur la nature : en restaurant des cours d’eau, des zones humides, des tourbières, nous améliorons la résilience de la nature face aux épisodes climatiques extrêmes et nous améliorons l’état quantitatif et qualitatif de la ressource en eau. Un projet de loi sur la restauration de la nature est actuellement en cours de discussion au niveau européen. Plus de 1,2 millions de citoyens ont déjà apporté leur soutien et interpellé leurs députés européens pour que le texte soit à la hauteur de l’urgence.

 

5 solutions possibles tout de suite

Alors que le mois de juillet 2023 a été le plus chaud jamais enregistré dans le monde et que la sécheresse touche nombre de départements français, voici cinq pistes d’action pour réduire notre empreinte écologique, notamment en préservant l’eau.

1 - Réduire la consommation de viande

14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde sont dues à l’élevage de bétail.

Réduire sa consommation de viande est un levier important pour lutter contre le changement climatique et la déforestation. Cela permet aussi d’économiser l’eau : environ 2/3 des cultures irriguées en France sont destinées à la production alimentaire, surtout pour cultiver les céréales nourrissant le bétail. Et ce, alors qu’il existe des usages plus prioritaires de l’eau, comme l’accès à l’eau potable.

2 - Privilégier la marche, le vélo, le train ou le covoiturage

En France, le transport — et notamment par les véhicules individuels — est le secteur qui contribue le plus aux émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).

Cela dépend bien sûr des contraintes de chacun mais par exemple, faire huit kilomètres à vélo par jour plutôt qu’en voiture permet sur un an d’économiser l’équivalent de 380 litres de pétrole et 750 kg équivalent de GES. Pour cela, il rappelle l’indispensable développement d’infrastructures de transport adéquates et accessibles financièrement (notamment les pistes cyclables sécurisées, qui elles sont gratuites). En France, le train est 2,6 fois plus cher que l’avion !

3 - Limiter sa consommation d’eau… et réemployer l’eau de pluie

D’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), une douche rapide — cinq minutes max — consomme de 35 à 60 litres d’eau, alors qu’un bain nécessite a minima 150 litres d’eau.

Sans oublier d’utiliser, quand son logement le permet, un récupérateur d’eau de pluie — pour, par exemple, arroser son potager quand on en a un.

Des villes comme Dunkerque expérimentent depuis plusieurs années la tarification écologique et sociale de l’eau potable selon trois catégories : « essentielle », « utile » et « de confort ». En clair, plus on consomme, plus on paie cher. Toutefois attention aux effets injustes pour les familles nombreuses : celles-ci consomment nécessairement plus d’eau et peuvent alors atteindre indûment la tranche de « l’eau de confort »…

4 - Se servir de la seconde main

Le textile et la mode, et notamment la fast-fashion. Est une industrie dont on ne soupçonne pas toujours « l’empreinte eau », au-delà de son empreinte carbone. Il faut 10 000 litres d’eau pour produire un jean. Ainsi, plutôt que d’acheter des habits neufs, autant privilégier la seconde main, le troc ou la réparation… voire la sobriété.

Pour lutter contre les désastres engendrés par le secteur, le gouvernement a annoncé le 11 juillet vouloir inclure les effets négatifs de la fast fashion à son « éco-score » pour le textile. Ce dispositif mettant en avant l’empreinte environnementale des vêtements devra être indiqué sur les étiquettes à partir de 2024.

5 - Laisser tranquille les jardins

Moins tondre la pelouse ou encore de moins tailler dans les jardins privés et les espaces extérieurs est bénéfique à l’expression et à la protection de la biodiversité.

Nombre d’oiseaux, d’insectes ou encore de papillons vivent, se nourrissent et se reproduisent dans ces jardins. Une zone de 100 m2 de pelouse non tondue — et donc laissant de la place aux plantes et fleurs sauvages — permettrait de produire chaque jour suffisamment de nectar et de pollen pour alimenter six bourdons et six couvains d’abeilles. Ces espèces ont un rôle de pollinisation essentiel au maintien de la biodiversité).

Du côté des espaces verts publics, des initiatives existent dans plusieurs villes : végétalisation des toits, développement des friches, restauration des petites rivières urbaines… sans oublier la tonte durable que beaucoup de collectivités ont mis en œuvre (et qui est bonne pour les finances communales).

 

Malgré les engagements pris par nos décideurs, les rencontres internationales et COPs qui se suivent, la date du jour du dépassement ne recule pas et nous continuons à creuser cette dette écologique.

Notre modèle actuel est basé sur la prédation de ressources naturelles : l’exemple de l’eau douce le montre bien. Le risque de manquer un jour d’eau est croissant dans beaucoup de territoires, pourtant aujourd’hui dans le monde, 70% de cette ressource est prélevée pour la production alimentaire, et surtout les céréales qui nourrissent le bétail.

Notre modèle agroalimentaire actuel est une cause majeure du jour du dépassement. Nous ne pouvons plus nous cacher et attendre que le jour du dépassement avance encore. Nous avons les solutions, notamment l’agroécologie, les solutions fondées sur la nature et la végétalisation de notre alimentation. Il est grand temps de les mettre en œuvre !