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Première rencontre du projet E&L2036 le samedi 6 juillet 14h30 Inscription et information via mail à contact@ecologie28.fr

Samedi 25 mars, une manifestation - interdite - contre le projet de "bassines" à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres a rapidement tourné à l'affrontement. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont été incendiés et des dizaines de personnes ont été blessées dont deux manifestants en urgence absolue. Près de 30 000 manifestants étaient présents sur le site (mais seulement 6 000 selon les autorités qui avaient mobilisé plus de 3 000 policiers et gendarmes, soit un policier pour deux manifestants selon leurs chiffres!).

La manifestation avait été organisée par le collectif d'associations "Bassines non merci", le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne pour stopper"la construction de ce réservoir à ciel ouvert, destiné à l'irrigation agricole. Elle avait été interdite par la préfecture, comme la précédente en automne 2022, qui voulait priver les citoyens de leur libre droit d’expression.

 

Des violences inacceptables dans un pays démocratique

Bien entendu les autorités et les organisateurs se renvoient la responsabilité des affrontements. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé la violence "inexcusable" de "l'extrême gauche", tandis que les organisateurs ont mis en cause une "violence absolument criminelle" des forces de l'ordre. Les journalistes et témoins objectifs ont bien noté que la majeure partie du cortège était pacifique, et que la violence a été attisée par l’intervention de brigades motorisées utilisant des quads dont le passager tirait au lance-grenade sur les manifestants (méthode utilisé en Iran) sans pouvoir viser et donc sans discernement : il ne faut pas s’étonner du bilan extrême. Pire, les secours ont été empêchés volontairement d’intervenir (cf. les enregistrements audio du SAMU) par les responsables du maintien de l’ordre (ce qui ne veut pas dire que tous les policiers sont des criminels, mais que la hiérarchie a volontairement pris le risque de laisser mourir des blessés graves).

Il est clair que le gouvernement a voulu faire un exemple en déployant un dispositif sans commune mesure avec les éventuels dégâts qu’eussent pu faire les manifestants : rejoindre un trou. Cela vaut-il le coup de tuer et de blesser pour une bâche et quelques tuyaux?

Les affrontements ont largement éclipsé le débat de fond sur le partage de l'eau face au changement climatique. C’était l’objectif du gouvernement.

 

Le cas des Deux Sèvres

Les raisons de la colère : un projet de construction signé avec l’Etat en 2018 - et financeur de 70 % dudit projet (70 millions d'euros!) - implanté dans le département des Deux-Sèvres où l’agriculture intensive a déjà fait d’incroyables dégâts (cf l’état du marais poitevin). Celui-ci vise à faire sortir de terre 16 réserves d’eau. L’un des chantiers les plus important est prévu sur la commune de Sainte-Soline. Il s’agit donc d’un projet conçu il y a 5 ans, alors que le dérèglement climatique et ses conséquences étaient déjà connus, visant à faire subventionner par les citoyens l’accaparement de l’eau au profit d’une minorité.

Ces bassines sont des retenues d’eau creusées dans le sol à une dizaine de mètres de profondeur, à l’apparence de piscine géante et généralement implantées au milieu des champs. Au fond de celles-ci, une bâche en plastique. Sous terre, des kilomètres de tuyaux. La fonction d’une telle installation est, non pas de stocker l’eau de pluie, mais de pomper les nappes phréatiques. Ces piscines peuvent contenir jusqu’à 650 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 260 piscines olympiques.

Notons l'inefficacité des bassines puisque, exposée au plein air, l'eau s'évapore et est également plus facilement sujette à la contamination par des bactéries et la prolifération d'algues. En période de sécheresse, comme l’été et l’hiver 2022, elles ne peuvent se remplir sauf actes de délinquance : pomper l’eau de la nappe alors qu’elle est trop basse, comme actuellement.

 

Le point de vue du BRGM

L’organisme expert de l’état, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), a publié une étude en juillet 2022 affirmant que le projet devrait s’avérer bénéfique et qu’il pourrait notamment permettre d’augmenter "de 5 à 6 %" le débit des cours d’eau en été, contre une baisse de 1 % en hiver ». Le collectif « Bassines non merci », a publié une contre-étude à la fin du mois de janvier, poussant le BRGM a recontextualisé ses travaux par la voie d’un communiqué paru début février. Et à reconnaître « que la modélisation présentée dans le rapport ne prenait pas en compte les effets du réchauffement climatique et notamment les risques accrus de sécheresse régulière. La raison : l’étude s’est basée sur la période 2000-2011... ». Le BRGM a fait savoir qu’une actualisation (de l’étude) couvrant la période 2000-2020 était en cours et serait disponible fin 2024 et qu’elle pourrait permettre d’envisager de nouvelles simulations incluant des scénarios sur les effets du changement climatique tel que prédit.

Il apparaît donc que la logique scientifique et le bon sens était de suspendre le projet le temps que les experts du BRGM, et peut être ceux du GIEC, puissent apporter une réponse claire sur ce projet. Le gouvernement, sous l’influence de la Droite et des organisations favorables à l’agriculture intensive, ne l’a pas voulu préférant un affrontement violent sur le site avec les citoyens exaspérés par son inaction face aux délinquants environnementaux.

 

L’accaparement de l’eau

Les méga-bassines sont au cœur de tensions entre les agriculteurs intensifs, l'Etat et les citoyens.

L'installation de méga-bassines seraient utilisées pour l'agriculture elles puiseraient l'eau dans les nappes phréatiques en hiver afin qu'elles puissent la restituer en été pour les agriculteurs, notamment en cas de sécheresse.

Il s’agit d’un accaparement des ressources en eau. Les bénéficiaires (une poignée d’agriculteurs plus industriels que paysans) les justifient par les risques de sécheresse de plus en plus élevés et l'impact sur les récoltes tout au long de l'année. Ils estiment normal de récupérer la ressource en eau pour leurs besoins au détriment des rivières (et des pécheurs) des jardins individuels et des autres usages comme les piscines. Il n’y a pas assez d’eau pour tous ces usages, il faut choisir ou influencer les décideurs (l’État). Au fond cette poignée d’agriculteurs refusent de se reconvertir vers une agriculture adaptée au changement climatique, et sacrifient les usages de dizaines de milliers d’habitants pour leur seul profit. Faire du maïs dans un département fortement impacté par la sécheresse et le dérèglement climatique est irresponsable.

Puisque la ressource se raréfie il faut modifier les usages et répartir équitablement la ressource. C’est du bon sens que refusent les partisans des méga-bassines.

 

Les bassines, la mauvaise solution face au dérèglement climatique

De nombreux projets de bassines existent en France mais sont souvent contestés puisque le modèle n’est pas compatible avec le dérèglement climatique. Plutôt que de refuser l’inéluctable, la nécessaire adaptation, ses promoteurs veulent les multiplier, il est vrai que leurs constructions génèrent d’importants profits.

 

Plusieurs projets existent en Centre-Val de Loire, ils ont donné lieu à une manifestation à Orléans le 15 novembre 2022. En Île-de-France, l'unique méga bassine, qui se trouve dans le village de Benthelu dans le Val-d'Oise, est sur le point d'être désinstallée puisqu'elle a été creusée sur un terrain inconstructible.

 

En 2017, un militant écologiste Rémi Fraisse a été tué par la police lors d’une manifestation contre le projet de bassine de Sivens, abandonné depuis. Combien faudra-t-il encore de morts et de blessés avant que la nécessaire préservation de la ressource en eau face au changement climatique soit prise en compte ?