Oxfam France publie une étude inédite sur les politiques d’adaptation de la France au changement climatique. Les conclusions sont claires : les pouvoirs publics n’anticipent pas assez les politiques et les investissements nécessaires à l’adaptation et ne protègent à ce jour pas les citoyennes et citoyens face aux conséquences du changement climatique.
Adaptation au changement climatique : les chiffres clés
- Au moins 26 des 50 droits fondamentaux de l’UE sont directement menacés en France du fait de la négligence de l’Etat en matière d’adaptation, dont le droit à la santé, le droit à l’éducation, ou encore, le droit à un logement digne.
- 1,3 million d’enfants français en maternelle seront exposés à une chaleur excédant 35° dans les classes d’ici 2030. 55% des écoles maternelles françaises seront concernées et dans 4 départements, – les Bouches du Rhône, la Seine-Saint-Denis, Paris et la Gironde -, ce seront 100% des maternelles.
- Aujourd’hui, 36% des travailleurs sont déjà exposés aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail.
- D’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture à cause des aléas climatiques extrêmes, et 3% des écoles primaires et 2,3% des maisons de retraite seront affectés par la montée des eaux.
Face aux conséquences des changements climatiques, les inégalités se creusent en France
Comme le reste du monde, la France est touchée de plein fouet par la crise climatique. L’été 2023 a été l’un des plus chauds mesurés en France, tandis que l’année 2022 a vu se cumuler tous les aléas climatiques extrêmes : sécheresse, méga-feux, orages violents… On considère que 62% de la population française est exposée de manière forte ou très forte aux risques climatiques.
Changement climatique et inégalités s’alimentent réciproquement : si ce sont les plus riches qui émettent le plus de gaz à effet de serre et qui donc aggravent le plus la crise climatique, ce sont les plus vulnérables qui sont en première ligne des conséquences de cette crise. Les ménages pauvres et modestes, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les groupes marginalisés sont parmi les plus affectés.
Le rapport révèle, qu’en Europe, les 20% les plus riches sont mieux protégés que les 20% les plus pauvres. En cause : des politiques publiques et actions d’adaptation qui bénéficient en premier lieu aux plus riches.
Les droits fondamentaux sont menacés en France
Selon Oxfam, au moins 26 des 50 droits fondamentaux inscrits aux articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne sont menacés si l’Union européenne et la France ne se donnent pas les moyens d’adapter les populations aux effets du dérèglement climatique. Cette menace concerne des droits aussi centraux que le droit à la santé, à l’éducation ou encore, le droit à un logement digne.
Dans le domaine de la santé par exemple, d’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture du fait de l’inadaptation des infrastructures aux événements climatiques extrêmes.
Le droit du travail pas adapté
A l’image de l’ensemble du cadre réglementaire et législatif français, le droit du travail n’est pas pensé pour une France à +4°C. Aujourd’hui, 36% des travailleurs en France sont déjà exposés aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail.
Parmi les professions les plus vulnérables face aux conséquences du changement climatique, on retrouve notamment les travailleurs du bâtiment, les agriculteurs et les personnels soignants.
Pour l'instant, le code du travail ne propose aucune règle précise en cas de vague de chaleur et ne comporte aucune indication de température maximale au-delà de laquelle il serait interdit de travailler ou qui pourrait justifier de l’exercice du droit de retrait (Néanmoins, le salarié peut quitter son poste s'il estime qu'en raison de la chaleur, il encourt un danger grave et imminent pour sa santé, après ça se discute avec ses responsables et l'inspection du travail).
Les politiques d’adaptation en France : la grande improvisation
Oxfam montre que l’adaptation « à la française » est une adaptation en réaction et par à-coup. Les pouvoirs publics attendent que les catastrophes se produisent pour tenter de les réparer.
Pourtant, la France s’est dotée depuis 2011 d’un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qui vise à présenter des mesures concrètes pour limiter les effets négatifs du dérèglement climatique en France. Mais ce plan est une coquille vide, sans aucune mesure concrète traduisible en actes politiques avec des objectifs atteignables et ambitieux.
L’approche des pouvoirs publics est aujourd’hui sectorielle. Il n’existe pas de vision globale de l’adaptation et encore moins d’analyse sociale des politiques publiques envisagées.
Oxfam formule plusieurs recommandations
Plusieurs dizaines de milliards d’euros par an justement répartis pour l’adaptation en France, assorti d’un système fiscal juste ;
- Une adaptation démocratique et transparente appuyée sur des analyses de vulnérabilité et sur une institution nouvelle composée de citoyens chargée de décider de l’adaptation d’un territoire donné ;
- Des investissements publics conditionnés à des critères d’efficacité et de réduction des inégalités ;
- Un Plan national d’adaptation au changement climatique opposable et contraignant permettant de rendre l’État redevable vis à vis des citoyens pour qui des droits sont menacés ;
- Un droit du travail réformé et adapté aux effets du changement climatique afin de garantir une protection juridique aux travailleurs ;
- Une adaptation juste au niveau international, la France devant assumer pleinement sa responsabilité historique dans le changement climatique en finançant, à la hauteur des besoins, l’adaptation des pays du Sud global.
Ce rapport met bien en exergue l'inaction climatique des gouvernements passés qui réagissent au coup par coup, quand les conséquences sont catastrophiques, mais n'anticipent rien, prisonniers de trop de lobbys qui refusent la mutation vers la transition écologique : leurs profits plutôt que notre santé et notre qualité de vie.