Le dossier des retraites et l'écologie

Edito du 21 janvier 2023

La France a besoin d’apaisement après les années Covid et les conséquences de la guerre en Ukraine. C’est pourtant le moment choisi par le gouvernement pour déclencher un conflit social de grande ampleur sur les retraites, alors que la majorité des français y compris sont électorat son contre

Pour les écologistes, le gouvernement devrait se concentrer sur ce qui est vital pour notre pays, la transition écologique, et ne pas se disperser en de vains combats, contre les français alors que des solutions simples existent pour garder l’équilibre des régimes de retraites. Avant de les présenter, notons quelques raisons liées à l’écologie de se prononcer contre ce projet.

Travailler plus pour polluer plus

Une évidence : si l’on fait travailler plus longtemps la population sans vouloir augmenter le chômage de masse actuel, cela ne peut se faire que d’une manière, en produisant plus. Produire plus signifie tout simplement extraire plus de ressources de la planète, brûler plus d’énergies non renouvelables et rejeter plus de déchets et de gaz à effet de serre réchauffant l’atmosphère et les océans . Un très mauvais calcul.

 

Ceux qui prennent soin de nous et de la nature seront perdants

Par exemple la pénibilité des métiers de soignants : ils travaillent de nuit, au contact de maladies, on porte des charges lourdes, ils sont exposés à des produits toxiques… Beaucoup d’infirmières et d’aides-soignantes partent en commission d’invalidité à la fin de leur carrière. C’est également vrai pour beaucoup de postes industriels ou dans la logistique

En France, les bûcherons ont une espérance de vie de 62 ans. Soit deux ans avant le futur âge légal de départ à la retraite. Les égoutiers meurent également plus tôt que la moyenne des travailleurs français.

 

Les retraités, fers de lance des luttes écolos

Le projet du gouvernement menace ce « temps de l’engagement » qu’est la retraite. Le temps libéré par le régime universel a permis aux retraités d’inventer tout un tas d’activités consistant — entre autres — à prendre soin des autres, à faire du bénévolat, à faire vivre un club sportif, une association, ou à se consacrer à leur grand-parentalité.

La hausse de l’espérance de vie et le régime général des retraites ont ensuite permis l’émergence d’une forme de « retraite solidaire ». Ils et elles sont ainsi nombreuses à s’investir dans les collectifs écolos, les associations de solidarité, la vie locale… Selon l’Insee, un quart des personnes âgées de 65 ans ou plus sont membres de plusieurs associations.

 

La réforme nous pousse vers les fonds de pension climaticides

En augmentant l’incertitude autour du niveau de la retraite, des conditions et de l’âge de départ, la réforme des retraites incite les Français à constituer une épargne supplémentaire pour compléter les pensions et/ou envisager un départ anticipé. Qui dit épargne-retraite dit fonds de pension, assurances, banques. Autant d’entreprises peu connues pour leur vertu écolo.

En effet, la seule raison d’être des fonds de pension et des assurances est de garantir des retours sur leurs placements les plus élevés possible, pour faire augmenter le chiffre d’affaires, quitte à investir dans des activités polluantes.

Parmi ces acteurs de l’épargne-retraite, le géant BlackRock mais également, pêle-mêle : Axa, Crédit agricole, Swiss Life, AG2R la Mondiale, Generali, Natixis, BNP ou encore le Crédit mutuel… Ils soutiennent quasiment tous l’expansion pétrogazière .

 

Une réforme qui nie les effets de la crise écologique

Reculer l’âge de départ à la retraite, au prétexte que l’on vit plus longtemps, c’est nier les effets de la crise écologique sur notre santé. On projette un scénario dans lequel la mort ne ferait que reculer. On serait de plus en plus en forme et en bonne santé de plus en plus longtemps, et ceci vaudrait quelle que soit notre classe sociale. Or l’explosion des maladies chroniques est une des manifestations majeures de la crise écologique qui entraîne une dégradation rapide de l’état de santé de nos sociétés occidentales.

Moins protéger les plus vulnérables n’est pas une stratégie d’adaptation acceptable. Vagues de chaleurs extrêmes, sécheresses, inondations... sont autant d’évènements climatiques qui risquent d’augmenter, et qui touchent davantage les personnes âgées.

 

D’autres réformes, plus écolos, sont possibles

Pour beaucoup d’écologistes, il faut réformer notre système de retraite afin de le rendre compatible avec la catastrophe écologique. Mais surtout pas comme le fait le gouvernement. Diminuer le temps de travail favoriserait aussi l’autonomie, l’autoproduction — cuisine, couture, réparations diverses… — et l’engagement populaire dans des activités bénéfiques, entre autres, à l’environnement — jardinage, soin de la biodiversité, soutien à des projets collectifs.

La retraite à 60 ou 62 ans est un outil majeur à la fois de partage du temps de travail et de relativisation de l’emprise excessive du travail et de l’économie sur la vie et sur la nature.

Les questions sociales et environnementales sont intrinsèquement liées et nous sommes solidaires des luttes sociales en faveur d’un meilleur partage des richesses et d’une plus grande protection des plus vulnérables.

 

Des pistes de financement possibles

Une réforme du système de fiscalité qui jusqu’à présent épargne largement les catégories les plus riches et les grandes entreprises alors qu’elles ont bénéficié d’aides importantes depuis le début de la crise. Les ultra-riches ont vu leur revenu considérablement augmenter en France et dans le monde alors que l’immense majorité des Français subissent l’inflation de plein fouet, avec la hausse des prix et la crise énergétique. Un ISF climatique qui permettrait de dégager des financements pour la transition écologique, tout comme la taxe sur les superprofits engrangés par des grandes entreprises depuis le début de la crise.

L’augmentation des cotisations sociales (0,5%) résoudrait l’équation financière tout comme l’obligation d’un salaire égal entre femmes et hommes.

Si on ne veut pas augmenter les cotisations sociales mais plutôt les diminuer, la solution est la TVA sociale qui permet de dégager des financements importants, tout en baissant les charges sociales. C’est la solution la plus simple à mettre en œuvre, elle suppose une légère augmentation des salaires et pensions sociales pour la compasser et a le mérite de faire cotiser les produits d’importation, ceux qui détruisent notre système social.

Faire peser sur les classes moyennes et défavorisées les défaillances de notre système fiscal et économique creusera les fractures sociales en France et risque de favoriser l’extrême droite qui, au-delà de sa vision excluante, porte une vision de l’écologie totalement rétrograde et dangereuse pour notre avenir.