Nucléaire : au secours, danger !

Edito du 14 mars 2023

Le projet de loi d’accélération du nucléaire est censé faciliter la construction de six nouveaux réacteurs et la prolongation du parc existant (au-delà de 60 ans contre 40 ans au maximum actuellement). Il avait été présenté comme une loi technique de simplification administrative. Les sénateurs lui ont donné un caractère plus politique, en y introduisant un plancher de 50 % de nucléaire dans le mix électrique. Un amendement du gouvernement, adopté en commission des affaires économiques, a supprimé ce seuil et renvoyé la question à la loi de programmation énergie climat, qui devrait être discutée cet été. Mais dans l’article 1er figure toujours le projet de construction de quatorze nouveaux réacteurs.

La « simplification administrative » aurait-elle permis la mise en service de Flamanville ?

Le premier EPR, Flamanville, était prévu pour une mise en service en 2012 ! C’est parce qu’il s’agit d’un accident industriel (c’est à dire un produit mal conçu) qu’il n’est toujours pas en service. Ce n’est donc pas la responsabilité des lourdeurs administratives, ni des écologistes si ce produit a été mal pensé. L’ancien PDG d’EDF, Henri PROGLIO, avait proposé d’arrêter la casse et de se consacrer à un nouveau modèle, il n’a pas été entendu, les politiques (Sarkozy et ses amis LR) préférant continuer à gâcher l’argent public.

 

La « simplification administrative » contre la sécurité

Le gouvernement a introduit deux amendements dans le texte, qui prévoient que les missions d’expertise et de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) soient intégrées à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ce projet de démantèlement de l’IRSN a été validé en commission des affaires économiques. Début mars, une fissure importante de plus de deux centimètres de profondeurs a été constatée dans une conduite de refroidissement d’urgence de l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime). Il s’agit « d’une fissuration de corrosion sous contrainte », a précisé le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mardi 7 mars. Une deuxième fissure, moins conséquente, a été détectée quelques jours plus tard sur un autre réacteur de la centrale de Penly. La réponse du gouvernement : prolonger les centrales et supprimer l’expertise de l’IRSN. Heureusement qu’il n’y a pas de centrale en Eure et Loir !

A noter que l’autorisation de construction de réacteurs nucléaires en zone inondable a été rétablie dans l’article 6 de ce projet. En route pour un Fukushima français ?

 

Eau douce et nucléaire

Le nucléaire consomme 5,3 milliards de mètres cubes d’eau chaque année, soit 30 % de l’eau douce consommée en France, ce qui en fait le deuxième consommateur après l’agriculture. Ce besoin conséquent va se confronter à une réalité climatique implacable de baisse de disponibilité de la ressource. En période de sécheresse, il faudra fermer les centrales ou priver les habitants d’eau potable.

 

Climat, crise énergétique et nucléaire

Il faut quinze à vingt ans pour construire une centrale nucléaire. Les premiers EPR2, s’ils fonctionnent, seront opérationnels en … 2040 au plus tôt. Autant dire que ce n’est pas le nucléaire qui va assurer nos hivers d’ici là. Les besoins énergétiques, et la souveraineté de notre pays, ne pourront être assurés qu’avec les énergies renouvelables, sinon il faudra préférer la bougie à la lampe électrique, comme le souhaite le gouvernement et les zélotes LR du nucléaire.

Quand à l’agenda climatique :le nucléaire ne sauvera pas le climat. D’après le sixième rapport du Giec, il faut réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, ce n’est possible qu’en agissant sur les transports, l’isolation et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Le nucléaire arrivera en 2040 comme Grouchy à Waterloo : trop tard.

 

La guerre est de retour en Europe, le nucléaire est une cible

La guerre en Ukraine a démontré que les installations nucléaires étaient des cibles. Si les russes n’ont pas fait sauter Zaporijia (le plus gros site nucléaire d’Europe) ce n’est pas par gentillesse, c’est que la frontière russe n’est pas loin et que nul ne peut savoir dans quel sens soufflent les vents. Tchernobyl a servi d’exemple en polluant une grande partie de l’Europe et de la Russie.

Il n’est pas dit que dans les 100 ans qui viennent nul ne visera les centrales françaises qui sont des cibles de choix. Terroristes ou états voyous le danger est réel et pour l’éviter : il suffit de sortir du nucléaire pour protéger notre territoire et ne pas se mettre à la merci du premier dictateur venu.

 

Le coût économique exorbitant du nucléaire

L’État a besoin de plus de 50 millions d’euros pour financer les nouveaux EPR2, prix d’aujourd’hui alors qu’ils n’existent que sur papier. Nul ne peut prévoir la dérive des coûts mais ce qui est sûr c’est que le kWh nucléaire est d’ores et déjà 2 fois plus coûteux que celui des ENR. On va encore creuser la dette française pour un rêve de technocrate soutenu par des politiciens hors-sol qui niant la réalité du changement climatique se réfugient dans un imaginaire fantasmé d’un nucléaire sans danger et quasi gratuit. Certes ils ont gardé une âme d’enfant mais ils pourraient aussi s’intéresser au sort des français présent et futur.

 

La fuite en avant des politiques

Faute d’avoir su prévoir (pourtant gouverner c’est prévoir) les politiques au pouvoir ont abandonné l’idée d’une politique énergétique, laissant l’Europe mettre en place son marché unique dont les conséquences se font sentir aujourd’hui. E n catastrophe, ils se replient vers une solution qu’ils pensent sans risques pour leur carrière : d’ici que les centrales soient bâties ils seront à la retraite (et ils bénéficieront de leur s régimes spéciaux auxquels ils se sont bien gardés de toucher).

Après Fukushima, qui a démontré que l’accident nucléaire était possible dans un pays doté d’une industrie nucléaire puissante. Avec la rationalité économique qui se situe du côté des énergies renouvelables, on ne pensait pas possible ce retour en grâce du nucléaire. Reconnaissons que nous avons sous-estimé la puissance de ce lobby sortant de toute logique, racontant tout et n’importe quoi sans être jamais contredit et la veulerie des politiques (en particulier euréliens) qui se raccrochent à n’importe quel discours qui leur évitent de travailler sérieusement les dossiers et de s’attaquer à la transition écologique.