ZAN : ce n'est pas qu'une réglisse !

édito du 28 septembre 2024

Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sous la pression des activités humaines. Étalement des villes, développement d’infrastructures, bétonisation… L’artificialisation des terres est l'une des causes de la perte de la biodiversité, tout comme les inondations de plus en plus fortes. Comment lutter contre ce phénomène ?

La loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050. Cette loi vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans pour autant négliger les besoins des territoires en matière de logements, d’infrastructures et d'activités.

Depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 à 5 millions d’hectares (+70%), soit une croissance nettement supérieure à celle de la population (+19%).

Plusieurs facteurs expliquent cette tendance

- l’augmentation du nombre de ménages (+4,2 millions depuis 1999) due à la croissance de la population et à la réduction de la taille des ménages ;
- l’étalement urbain et le mitage (constructions dispersées) : les surfaces urbanisées s'étendent en périphérie des villes du fait de l’augmentation des prix du foncier en centre-ville, de l’attrait des ménages pour l'habitat individuel ou encore de la recherche d’un meilleur cadre de vie. Cela nécessite la multiplication d’infrastructures de transports, de services et de loisirs et entraîne un bétonnage plus important des espaces naturels ;
- la sous-exploitation du bâti existant : la vacance de logements qui représente 8% des logements en 2015, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la vacance de commerces dans les villes moyennes ou encore le développement de résidences secondaires contribuent à la demande de logements neufs et donc à l’artificialisation des sols.

Cette croissance de l’artificialisation des sols s’est surtout produite au détriment de terres agricoles, pour un usage d’habitat (42% des terres artificialisées), d'infrastructures de transports (28%), de services et de loisirs (16%) comme les zones commerciales. Elle est plus forte dans les métropoles et dans les zones côtières.

L’artificialisation des sols est à l’origine de plusieurs pressions sur l’environnement

- amplification des risques d'inondations : la dégradation de la capacité des sols à absorber l’eau par infiltration en raison de leur imperméabilisation. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissèlement et d’inondation sont donc amplifiés. Les problèmes d’érosion des sols sont amplifiés ;
- perte de la biodiversité par disparition des écosystèmes ou rupture des continuités écologiques. La transformation d’un espace naturel en terrain imperméabilisé, modifie ou fait disparaitre l’habitat des espèces animale ou végétale et peut conduire à leur disparition d’un territoire ;
- réchauffement climatique : un sol artificialisé n'absorbe plus de CO2 et participe donc à la hausse des températures (perte de végétation, changement d’état des sols) ;
- pollutions (métaux lourds, pollution de l'air liée aux transports...) ;
- réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir : l’artificialisation entraîne une perte de productivité agricole et limite la production alimentaire ;
renforcement des îlots de chaleur en zone urbaine.

La loi Climat et résilience
La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050. Elle a également établi un premier objectif intermédiaire de réduction par deux de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020.

L'objectif de "ZAN des sols" tend donc à interdire toute artificialisation nette des sols sur une période donnée. Cela n’implique pas l’arrêt total de l’artificialisation de nouveaux espaces. Celle-ci sera conditionnée à une renaturation à proportion égale ­d’espaces artificialisés. Tout ce qui sera "pris" sur la nature devra être "rendu".

Les propositions des élus locaux prises en compte

De nombreux élus locaux ont fait remarquer des insuffisances dans la loi, notamment parce qu'elle pourrait s'appliquer rétroactivement sur les Plans d'Urbanismes en cours. Cette loi a été complétée par une loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter l'accompagnement des élus locaux. Elle prévoit notamment des délais supplémentaires pour intégrer les objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme.

Les élus climaticides à la manoeuvre

La mise en place du ZAN menace les arrangements et les chantiers inutiles qui font le bonheur des élus climaticides. Comment on ne pourra plus créer des entrepôts gigantesque ou de nouvelles infrastructures inutiles ? Ainsi dans l'Eure et Loir les mêmes élus protestent contre la ZAN et soutiennent l'artificialisation de centaines d'hectares par le projet A154. Cherchez la logique, hormis un mépris des conséquences du dérèglement climatique sur nos concitoyens.

Les friches un gisement d'espaces à recycler

Une des pistes pour continuer à construire (certaines opérations sont indispensables) est de récupérer les surfaces des friches industrielles.

On dénombre 2 400 friches industrielles au minimum en France (certaines estimations vont de 4 000 à 10 000), couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire national, les chiffres concernant les friches commerciales et administratives sont inconnus.

On entend souvent que la réhabilitation est trop onéreuse pour les collectivités locales et qu'elle ne peuvent rien faire. C'est faux, la phytoremédiation peut être une solution. Elle consiste à utiliser certaines plantes, algues et champignons pour dépolluer les sols. La technique est efficace, sûre, peu coûteuse, rentable (biomasse produite), applicable sur de vastes surfaces et bénéfique pour l'environnement, mais elle prend du temps.

Pour une action efficace et d'ampleur sur les friches industrielles

- La loi pourrait prévoir qu'une friche en réhabilitation n'est plus considérée comme n'étant plus artificielle dés le départ de l'opération.

- La loi pourrait affirmer un axe simple : ou les propriétaires dépolluent où ils sont expropriés sans indemnités, l'Etat réhabilitant et redonnant le foncier aux collectivités locales. 

Le gouvernement actuel est-il capable de maintenir une politique rigoureuse en matière de ZAN tout en proposant des solutions aux collectivités locales ? Sous influence des climatosceptiques c'est hélas peu probable. Mais la réalité du changement climatique pourrait s'imposer même aux plus obtus.

 

Les inondations catastrophiques récentes, sont les conséquences du dérèglement climatique. Elles sont accentuées par l'artificialisation des sols. Mieux protéger nos concitoyens passent par la loi ZAN, pas par son abolition.