La France doit se préparer à un réchauffement climatique allant jusqu'à plus quatre degrés en métropole, a conclu jeudi 4 mai 2023 une instance regroupant membres de la société civile et élus autour des questions environnementales, un constat "lucide" en ligne avec les conclusions du gouvernement.

Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) - qui regroupe représentants de collectivités territoriales, ONG, syndicats, patronat et des parlementaires - a adopté un avis sur ce sujet.Les températures pourraient augmenter jusqu’à 4 degrés en France, selon le gouvernement. Voici à quoi pourrait ressembler le pays avec un tel scénario.

Un avis qui suit celui du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui appelle depuis quelques mois à sortir du "déni" et à se préparer à un réchauffement possible de 4°C. Mais avec une telle augmentation des températures, la carte de France sera complètement remodelée.


Des quartiers de Dunkerque et de Calais seront régulièrement sous l'eau et ne seront plus habitables. Les étés comme l'an dernier seront presque frais, et il pourrait y avoir trois fois plus de jours de canicule à Paris. À cause de la sécheresse, les restrictions d'eau dureront toute l'année et pas seulement l'été. Dans les champs, il n’y aura pratiquement plus de vaches et les prairies auront du mal à pousser, ce qui obligera à enfermer les animaux.

Des secteurs économiques à réinventer

Les villes devront également s’adapter pour protéger la population de la chaleur. Des mesures devront être prises pour végétaliser, enlever le goudron ou encore planter des arbres, puisqu’une rue avec des arbres permet de réduire la température de 3 ou 4 degrés. Il faudra aussi repeindre les bâtiments en blanc et changer l’agriculture pour semer des céréales plus adaptées, ou encore arroser au goutte à goutte. En hiver, on ne pourra plus skier en dessous de 1.600 mètres et les deux tiers des stations de ski n'auront plus assez de neige pour fonctionner. Des secteurs économiques entiers vont donc devoir se réinventer complètement.

 Le pays devra s'adapter tout de suite au scénario catastrophe de 4 degrés de plus par rapport au XVIIIe siècle. Surtout que l'Europe et la France vont se réchauffer plus vite que la moyenne de la planète, qui sera de l’ordre de 3 degrés. Cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner l'objectif de l'accord de Paris de 2 degrés. Mais il faut continuer à moins polluer, à changer nos modes de vie, économiser de l'énergie et l'eau, se transporter autrement. Car il est encore possible d'éviter ce scénario catastrophe à 4 degrés.

L'Outre-mer encore plus concernée

Le CNTE "propose de retenir, pour la trajectoire d'adaptation au changement climatique, l'hypothèse générale d'un réchauffement global de 3°C d'ici la fin du siècle, croisant 1,5°C en 2030 et 2°C en 2050". "Nous sommes sur une trajectoire vers les 3°C au niveau mondial et donc pour la France métropolitaine ça veut dire +4°C", a précisé le sénateur écologiste et vice-président de la commission spécialisée du CNTE Ronan Dantec, soulignant que l'avis avait été adopté "à l'unanimité".
 
"Ça dit un consensus aujourd'hui de la société française dans sa prise de conscience qu'il faut affronter la réalité de ce changement climatique, et de manière lucide", a-t-il ajouté en présentant cet avis à des journalistes. Le réchauffement est en effet plus marqué en France métropolitaine par rapport à la moyenne mondiale. La situation variera par ailleurs en Outre-mer selon la situation géographique des territoires, a souligné Ronan Dantec : "Saint-Pierre et Miquelon ira au-delà de +4°C et d'autres territoires avec l'inertie de l'océan seront plus proche du +3°C, qui est la moyenne mondiale".

La réduction des émissions impératives

Les politiques actuellement en place dans le monde laissent présager une hausse des températures mondiales de 2,8 degrés d'ici la fin du siècle, estimait l'ONU en octobre dernier. La mise en œuvre des engagements actuels pris par les différents Etats pour réduire leurs émissions ne permettra de réduire cette hausse qu'à 2,4-2,6 degrés d'augmentation à cet horizon. Le monde est ainsi loin de l'objectif de l'accord de Paris, qui est de limiter le réchauffement de la planète bien en dessous de 2°C et de préférence à 1,5°C.

Un "plan national de gestion des vagues de chaleur" présenté fin mai

La France prépare son troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC). La mouture précédente (2018-2022) se fondait sur des hypothèses moins pessimistes d'une hausse moyenne des températures de deux degrés par rapport à l'ère préindustrielle.

Ce plan d'adaptation aura des volets concernant la santé, l'économie et l'agriculture, la continuité des infrastructures et des services essentiels ou encore la protection des milieux naturels. Le ministre a par ailleurs précisé qu'il allait présenter avant fin mai un "plan national de gestion des vagues de chaleur", avec des dizaines de mesures pour par exemple donner un cadre sur les conditions de travail en extérieur ou les examens scolaires en cas de canicule.