La Terre a connu, entre le lundi 3 et le jeudi 6 juillet 2023, ses journées les plus chaudes jamais enregistrées par les météorologues. Si la température moyenne du globe inquiétait déjà en début de semaine lorsqu’elle avait atteint 17,01 °C, elle a battu tous les records quatre jours après avec 17,23 °C. Mais à quoi sont dues ces hausses qui n’en finissent plus, réponses à vos questions ?

En une semaine, du lundi 3 au jeudi 6 juillet 2023, le record de température moyenne sur notre planète a été battu à quatre reprises. La barre des 17,01 °C atteinte lundi ; 17,18 °C mardi, et mercredi ; 17,23 °C le jeudi 6 juillet. Une augmentation impressionnante qui interpelle fortement la communauté scientifique, d’autant que les conséquences sont pour le moment imprévisibles. Les causes sont en revanche, elles, très bien connues.

 
Explications des records de températures ?

 On a un contexte de fond celui du réchauffement de la planète, qui même sans autres facteurs, fait qu’on a tendance à battre des records régulièrement. Ensuite s’ajoute le phénomène météorologique El Niño (courant côtier saisonnier chaud au large du Pérou et de l'Équateur ) qui vient juste de commencer. Autrement dit, on a de très fortes probabilités de battre des records de températures planétaires au moins jusqu’au printemps prochain. En effet, dans les années marquées par ce phénomène, la moyenne annuelle des températures a tendance à s’accentuer par rapport aux années qui l’entourent. En d’autres termes, les années El Niño sont plus chaudes que les années neutres sans El Niño.

Il y a des phénomènes locaux comme l’anticyclone européen qui s’est positionné pendant tout le mois de juin. Il a modifié les flux d’air classiques que l’on a au Nord de l’Atlantique ce qui a engendré une insolation beaucoup plus importante, moins de vent et par conséquent une température de la mer qui s’échauffe.

Pour connaître le réel impact de ces phénomènes locaux, il va être nécessaire d’attendre les réanalyses. Ces études permettront de comprendre la part exacte du changement climatique, celle d’El Niño et celle des phénomènes locaux dans la hausse des températures.

 
Sans El Niño ces records aient été quand même battus ?

Lorsque El Niño va passer, il y a des probabilités pour que les températures diminuent, tout en restant toujours plus haute que celles que l’on a eues dans les années 2020. Ensuite, le changement climatique continuera son cours et nous gagnerons régulièrement quelques centièmes de degrés jusqu’à atteindre des dixièmes de degrés. Le fond est toujours la.

Avec le changement climatique on bat les records d’année en année, mais on ne les explose pas sur des anomalies statistiques comme on a actuellement. El Niño entraîne un double effet d’accentuation.

La température moyenne que nous aurons cette année avec El Niño correspond à celle que nous aurons dans les années 2040-2050, sans ce phénomène météorologique. Il va donc falloir étudier ce système climatique afin de comprendre son impact sur les écosystèmes pour dans vingt ans.

Comment les données météorologiques sont-elles obtenues ?

On prend les données des stations météo terrestres, des bateaux, et des avions, c’est-à-dire les données terrestres, mais également les données satellitaires qui mesurent aussi les températures de la Terre. Ensuite, une moyenne de l’ensemble est réalisée.

Sont prises en compte dans ce calcul aussi bien les températures de la terre que celles des océans.

Ces hausses de températures sont importantes par rapport à l’écart type et à la moyenne que l’on a habituellement. Un statisticien pourrait considérer que ces valeurs sont aberrantes à cause d’erreurs de mesure, d’erreurs de capteurs. Et il est tout à fait légitime de se poser ces questions. Lorsque l’on regarde les températures de l’air et de l’eau, on a, statistiquement, moins d’une chance sur un million d’obtenir ces valeurs-là et en ce moment on les bat tous les jours.

Il y a différents centres de recherches d’observation mondiale qui font des mesures indépendantes comme la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) par exemple. Ils ont mesuré que les quatre derniers jours étaient les plus chauds jamais observés. En Europe, c’est le programme Copernicus qui surveille la température terrestre. Ils confirment eux aussi cette tendance, avec des mesures, des capteurs et des calculs indépendants.

 
Quelles sont les conséquences actuelles de ces températures ?

Lorsque l’on parle de température moyenne, on ne se rend pas compte des conséquences locales que peuvent avoir des phénomènes de chaleur extrême. On peut citer par exemple les feux de forêts canadiens, qui ont détruit presque neuf millions d’hectares, mais aussi des problématiques de rendement sur des récoltes agricoles en Asie.

La moyenne mondiale est en réalité tirée vers le haut par des pics qui ont, eux, des impacts sur les activités économiques, sociales et agricoles de tous les continents concernés. Nous ne sommes qu’au début des records de chaleur. Nous venons à peine de commencer un mois d’une série d’un an de record à la suite.


Quelle serait une température moyenne « normale » pour cette saison ?

On devrait être autour de 16 °C de température moyenne mondiale. Nous sommes à 17,23 °C. Cette température de 16 °C est basée sur les moyennes de la période 1981-2010 qui tiennent déjà compte du changement climatique.

Si l’on regarde les pics, et par rapport à l’ère préindustrielle, sur laquelle on se base pour évaluer le changement climatique, nous sommes largement au-dessus des + 1,5 °C qui sont définis par les Accords de Paris. Pour le moment, ce ne sont que des pics, mais cela va nous donner un avant-goût de ce qui se passera si on ne respecte pas les accords de Paris et que l’on dépasse ces 1,5 °C en moyenne.


Y-a-t-il un risque d’emballement ?

Pour le moment on ne peut pas confirmer s’il s’agit d’une rupture quelque part dans le système climatique. Cela signifierait qu’au lieu d’avoir une anomalie ponctuelle, on aurait une marche, c’est-à-dire qu’on ne rebaisserait pas derrière. Pour le confirmer, il nous faudra attendre des études scientifiques.

Il y a une dizaine de points de non-retour qu’il ne faut pas dépasser car il pourrait emballer le changement climatique. Il est possible qu’on en atteigne certains cette année, mais on ne peut rien valider sans des études rétrospectives.

La science n’ayant pas encore observé ce type de phénomène sur la planète, c’est très difficile de prédire ce qu’il va se passer. On est dans l’inconnu et le questionnement le plus total.

 
Quelles sont les préconisations des climatologues ?

Le dernier rapport du Giec montre qu’il y a énormément de solutions, d’adaptations et d’atténuations sur les impacts du changement climatique. Nous pouvons agir sur la décarbonation des transports et de l’électricité, sur l’isolation thermique des bâtiments ou bien encore sur l’utilisation des terres et l’urbanisation. Néanmoins, le rapport pointe aussi le fait que l’on ne place pas assez de moyens pour mettre en œuvre ces solutions ou pour les développer.

 

Tout ne relève pas uniquement des petits gestes, qui sont importants certes, mais le problème est beaucoup plus global. Les politiques doivent enfin être leaders sur le changement climatique et pas des hommes de paille des pollueurs au nom d'une vision déformée de l'économie.

À un moment, quand on bat des records mondiaux et qu’il n’y a pas un seul homme politique qui reprend cette info et se propose d'agir, c’est que les politiques français sont irresponsables : ils n’ont pas les mêmes priorités que celles que nous avons pour nos enfants.