66 ans d'avance. Alors que l'Accord de Paris fixe la limite du réchauffement à +1,5°C à la fin du siècle, plusieurs études avaient déjà alerté sur le dépassement relativement imminent du seuil de +1,5°C, dont les conséquences seront désastreuses. Le programme européen Copernicus estime que le seuil de +1,5°C pourrait être dépassé dès décembre 2034.

De records en records

Les températures mondiales continuent de battre les records, après un été inédit et un mois de septembre plus surprenant encore, le mois d’octobre annonce un nouveau record de chaleur. 2

023 est désormais l'année la plus chaude jamais mesurée sur les neuf premiers mois, s'approchant d'une anomalie de 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle.

L'été 2023 a déjà battu de (tristes) records, avec un mois de juillet devenu le plus chaud de toute l'histoire de l'humanité et des mois de juin, août et septembre s'affichant comme les plus chauds jamais enregistrés pour leur saison. Le phénomène est même plus global : de janvier à septembre, « la température moyenne mondiale est 1,40°C au-dessus de la moyenne pré-industrielle (1850-1900) », c'est-à-dire avant l'effet sur le climat des émissions de gaz à effet de serre de l'humanité, selon le service sur le changement climatique (C3S) de l'observatoire européen Copernicus.

Et cette moyenne pourrait encore augmenter sur les trois derniers mois de l'année, compte tenu de la montée en puissance d'El Nino. Ce phénomène météorologique cyclique au-dessus du Pacifique, synonyme de réchauffement supplémentaire, culmine en général autour de la période de Noël. S’il n'est pas acquis que 2023 atteindra 1,5°C, nous en sommes assez proches.

Pas une région d’épargnée

Tous les continents ont été concernés par des anomalies hors du commun. En Europe, septembre 2023 a établi un nouveau record continental pour le premier mois de l'automne météorologique : il a fait plus de 35°C en France jusque début octobre. Dans le même mois, des pluies torrentielles de la tempête Daniel, probablement aggravées par le changement climatique selon des études préliminaires, ont dévasté le nord-est de la Libye et la Grèce. Le sud du Brésil et du Chili ont connu aussi le déluge en septembre tandis que l'Amazonie est actuellement frappée par une sécheresse extrême, qui affecte plus de 500 000 habitants. Et les pôles perdent en glace : la banquise de l'Antarctique se maintient à un niveau bas record pour la saison, tandis que la banquise arctique est 18% en dessous de la moyenne.

La clé : sortir des énergies fossiles

"L’humanité a ouvert les portes de l’enfer", avait déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, lors du Sommet sur l’ambition climatique mi-septembre 2023 à New York. "Notre climat implose plus vite que nous ne pouvons y faire face, avec des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent tous les coins de la planète", mais "nous pouvons toujours construire un monde avec de l’air pur, des emplois verts, et une énergie propre et abordable pour tous", a-t-il ajouté.

La clé réside dans la sortie des énergies fossiles. À quelques semaines de la COP28, le sommet international sur le climat qui se tiendra aux Émirats arabes unis fin novembre, l’Agence internationale de l'énergie a elle aussi accentué la pression notamment sur les pays développés. Dans son scénario "Net Zero by 2050" actualisé la semaine dernière, elle estime que les économies avancées, telles que les États-Unis et l’Union européenne, vont devoir avancer de cinq ans (de 2050 à 2045) leur objectif de neutralité carbone, et la Chine de dix ans à 2050, pour rester dans les clous de l’Accord de Paris et ainsi donner une chance au monde de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C.

L’objectif des 1,5 % ne sera pas tenu

Les dirigeants mondiaux s'étaient accordés lors de la COP21 de 2015 pour baisser considérablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre dans le but de limiter à 2°C le réchauffement planétaire au cours du siècle présent. Tout en poursuivant l'action menée pour le limiter encore davantage à 1,5°C, chaque dixième de gagner réduisant les impacts du changement climatique.

Le Giec, rassemblant les experts climats mandatés par les Nations-Unies, prévoit que ce seuil de 1,5°C sera atteint durablement dès les années 2030-2035. Et l'Organisation météorologique mondiale a estimé au printemps que la barre serait franchie pour la première fois sur une année entière seulement au cours des cinq prochaines années.

Alors que les variations des températures mondiales se mesurent en général en quelques dixièmes de degrés, septembre 2023 est 0,9°C au-dessus de la moyenne de septembre sur la période 1991-2020, soit « la plus forte anomalie mensuelle » jamais mesurée par Copernicus, dont la base de données complète remonte à 1940.

Des réponses « insuffisantes »

La surchauffe des mers du globe, qui absorbent 90% de la chaleur en excès provoquée par l'activité humaine depuis l'ère industrielle, joue un rôle majeur dans ces observations. Pour le système de mesure de Copernicus, la température moyenne des mers a atteint 20,92°C en septembre, nouveau record mensuel et 2e mesure la plus élevée derrière août 2023.

Face à cette situation, les réponses de l'humanité sont « insuffisantes alors que le monde (...) s'écroule » et s'approche d'un « point de rupture », a déploré le pape François mercredi, dans un texte en forme de cri d'alarme, à deux mois d'une conférence climat de l'ONU décisive.

La COP 28

Lors de cette COP28, à Dubaï, le thème de la sortie des énergies fossiles sera au cœur d'âpres négociations entre les pays. Mais, si près de ce rendez-vous, ils ont, en effet, encore des vues divergentes sur les moyens d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris, même s'ils s'accordent sur la nécessité de faire plus.

Dans son rapport technique sur le premier bilan mondial de l'accord de Paris, publié début septembre, l'organisme montre que certains sujets sont consensuels, tandis que des propositions ne sont soutenues que par certaines parties. Il ressort notamment que « de nombreuses parties » - mais pas toutes - sont favorables à des objectifs collectifs en termes d'énergie renouvelable ou de développement des véhicules électriques et soulignent que la sortie des énergies fossiles est « vitale pour des transitions énergétiques justes vers la neutralité carbone ».