Les actions des militants écologistes, souvent jugées radicales par les médias et les adversaires de l'écologie, peuvent recevoir un soutien surprenant au-delà des clivages habituels. La perception du public est en pleine évolution et les pouvoirs publics devraient en tenir compte plutôt que de soutenir les revendications des pollueurs.
Quand ils s'agit de critiquer l'écologie et les actions les plus radicales, ses adversaires n'hésitent pas : éco-terroriste, khmers verts, ayatollah de l’écologie… L'affaire de Sainte-Soline (méga bassine) - et la tentative du gouvernement de dissoudre les Soulèvements de la Terre - l'illustre bien.
L’impopularité des mouvements écologistes serait autant liée à des modes d’action jugés trop radicaux qu’au profil sociologique particulier des militants, plutôt très diplômés, urbains et jeunes, et régulièrement qualifié de ce fait de « bobos » pour les disqualifier. Dans un contexte médiatique les résultats de la première vague du Baromètre Écologie Environnement (décembre 2023) apportent des résultats qui vont contre la pensée « mainstream » des média et des politiques conservatrices.
Un taux de soutien élevé pour certaines des actions des mouvements écologistes
La manifestation, le mode d’action le moins perturbateur, est trouvé acceptable par 74 % des sondés. 67% de la population considère ainsi acceptable de bloquer une entreprise polluante, 61 % des Français reconnaissent légitime d’occuper une zone naturelle lorsque celle-ci est menacée.
Un soutien dans toutes les couches sociales
Les ouvriers et employés sont autant favorables aux actions des écologistes que les cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS), parfois plus. Les premiers soutiennent le blocage d’entreprises polluantes à la hauteur de 67 %, ce taux est de 62 % chez les CPIS. Ces derniers sont 60 % à juger favorablement l’occupation de zones naturelles menacées, soit autant que les ouvriers et employés (61 %).
Les agriculteurs soutiennent moins quoique qu’à 54 % de soutien pour le blocage des entreprises polluantes mais à peine 33 % le fait d’occuper une zone naturelle menacée. Les niveaux de diplôme et de revenu ne semblent pas corrélés aux taux de soutien : les écologistes sont autant soutenus par les classes populaires que par les diplômés du supérieur.
Un soutien dans toutes les couches politiques
Les taux de soutien restent hauts à droite. 43 % des électeurs qui s’identifient à la majorité présidentielle (LREM/MoDem/Horizons) et 46 % de ceux qui se sentent proches des Républicains reconnaissent comme acceptable l’occupation de zones naturelles menacées, contre des taux supérieurs à 80 % pour La France Insoumise et EELV.
Néanmoins ce soutien décline avec le positionnement politique à droite et l’âge, les jeunes générations tendent à traduire davantage leur préoccupation en engagement.
Ne pas faire n'importe quelle action
Le blocage de routes est rejeté par 69 % de la population, de même l’interruption d’événements sportifs (Tour de France...) est rejetée à 74 %. Cette désaffection se retrouve de manière plutôt homogène dans la population.
Ces actions peu populaires ont un point commun : leur caractère total qui impacte plus tous les citoyens. Par contre la défense des zones naturelles s’ancre dans l’attachement à un territoire et le blocage d’entreprise polluante désigne un adversaire car responsable. Quand la cause est jugée juste par une grande partie de l’opinion et qu’un adversaire est clairement désigné comme responsable, le caractère illégal de certains modes d’action perd de son effet dissuasif et l’action est jugée majoritairement comme acceptable.
Savoir choisir les combats populaires
Cette enquête permet de mieux comprendre le succès des Soulèvements de la Terre (des méga-bassines de Sainte-Soline au projet de l’A69 dans le Tarn), et la multiplication d’actions de désobéissance civile ciblées - Assemblée générale de Total, mode de vie des ultra-riches. Plus ancienne, la popularité des Faucheurs Volontaires (arrachage de plants, destruction de stocks, etc.) s’appuyait sur le rejet majoritaire des OGM par la population française et des figures appréciées comme José Bové (et son démontage du Mac Do de Millau).
La capacité des mouvements écologistes à imposer leur discours et leurs termes dans le débat est déterminante face aux tentatives de discriminations des autorités, partis voire syndicats professionnels peut s'appuyer sur un choix judicieux des actions : il est souhaitable d'être le plus populaire possible pour gagner et de s'adresser à l'ensemble de la population.