Il y a quelques années, la France ne savait pas si elle aurait assez d’électricité pour passer l’hiver. Désormais, c’est l’inverse. C'est plutôt une bonne nouvelle pour accélérer la transition énergétique
Adieu la pénurie
Le RTE vient de publier son dernier bilan prévisionnel, révélant une réalité inversée : la France ne craint plus la pénurie, souvenons nous des conséquences de la guerre en Ukraine, mais à l’inverse fait face à une abondance historique d’électricité. Entre production nucléaire redressée, essor des renouvelables et pointes de surcapacité, le défi n’est plus d’avoir assez d’énergie, mais de savoir l’utiliser à bon escient. Dans ce contexte, la notion de « surproduction » refait surface, un tournant majeur pour le système électrique français.
Surcapacité ?
La production d’électricité française atteint des niveaux rarement vus depuis des années : en 2024, la production totale s’est élevée à 536,5 TWh, un niveau équivalent à 2019, et le plus élevé depuis 5 ans :
- D’une part, la production nucléaire reprend fortement : 361,7 TWh en 2024, bien au-dessus des 279,0 TWh de 2022.
- De l’autre, les renouvelables (hydraulique, solaire, éolien) atteignent 148 TWh, soit 27,6 % de la production totale.
- Conséquence la production fossile (gaz, charbon, fioul) chute à 19,9 TWh, son niveau le plus bas depuis les années 1950.
Au total, la production bas-carbone (nucléaire + renouvelables) atteint 95 % de l’électricité produite en 2024. Ce record de production permet à la France d’être exportatrice nette d’électricité, avec un solde exportateur historique de 89,0 TWh en 2024, bien au-delà du précédent record de 2002. Sans oublier que l’année 2025 est aussi excellente, le record pourrait même encore tomber.
Un excès d’offre face à une demande stable ; car plus responsable
Malgré ce haut niveau de production, la consommation d’électricité en France n’a pas connu de flambée, laissant une large marge entre offre et demande. Selon RTE, la consommation a « stagné » au premier semestre 2025, restant inférieure à son niveau d’avant-Covid. C’est la conséquence de la frugalité des consommateurs et de l’efficience énergétique des chauffages (pompes à chaleur…) et des usines.
Face à cette surcapacité, le scénario recommandé par RTE est clair : engager massivement l’électrification des usages (industrie, transports, bâtiments, data centers) pour absorber cette production abondante. Attention toutefois à la tentation de gaspiller (comme avec le chauffage électrique des années 80... ou le retour à un éclairage permanent).
Le « Bilan prévisionnel 2025-2035 » détaille deux trajectoires. Une trajectoire de décarbonation rapide : la consommation nationale pourrait atteindre 510 TWh en 2030, puis jusqu’à 580 TWh en 2035. Une trajectoire plus lente mais déjà en hausse : la consommation atteindrait 470 TWh en 2030 puis 505 TWh en 2035.
Le mur d’investissement d’EDF devient moins haut, voire s’effondre
L’idée qu’il faut construire plusieurs EPR pour absorber la demande est dépassée, comme l'avait prévu les écologistes. Tant mieux pour EDF qui n’avait pas les moyens de financer cet investissement. Pendant ce temps, les énergies renouvelables continuent à croitre : l’investissement est moindre permettant un prix de production en baisse et facilitant l’exportation (on a pas de pétrole mais on a de l’énergie décarbonée…).
Certains préconisent de ralentir le développement des renouvelables, notamment le solaire et l’éolien terrestre, afin d’éviter de creuser le déséquilibre entre production et consommation. Mauvaise idée : à une époque de menaces sur nos sites de production, il vaut mieux les multiplier que de les regrouper en quelques lieux facilement menacés par des drones ou missiles de croisières (cf. les centrales nucléaires en Ukraine)
Conséquences pour le réseau, notamment en Eure et Loir
A défaut de surinvestir dans la production il faut investir dans le réseau face à la diversité des flux de production (et leur instabilité potentielle). RTE prévoit d’équiper les postes à haute-tension (au moins ceux de 90 000 Volts) de centre de stockage : des batteries géantes de 100 MW (sur 1 ha environ) assurant la régulation du réseau.
Pour faciliter la régulation de l’Ile de France, l’Eure et Loir devra en héberger plusieurs. Des sociétés explorent le terrain pour déterminer où les implanter, à proximité d’un poste de haute tension comme (Epernon, Auneau, Maintenon, Voves, Luisant, Bonneval…).
Affaire à suivre car leurs intégrations paysagère et environnementale ne sont pas évidentes et demandent une concertation avec les élus, les associations et les citoyens.